Episode 31 – Les messages contraignants

Qu’est-ce que je veux dire par « messages contraignants » ?

Ce sont des injonctions implicites ou explicites exprimées à l’enfant qui est une condition sine qua none à l’obtention de la reconnaissance du parent. On les appelle aussi les drivers. 

Ils ont été théorisés par le psychologue américain Taibi Kahler dans les années 70. 

Ces drivers sont hérités de l’éducation que l’on a reçue. Ces messages ont tellement été dits et répétés qu’ils sont ancrés en nous à tel point qu’ils peuvent devenir des croyances, c’est-à-dire une vérité énoncée, une affirmation que l’on pense vraie ou des valeurs qui sont le socle de notre être psychique. 

Et nous, parents, d’aussi bonne volonté que nous le sommes, nous les transmettons à nos enfants. Sans s’en rendre compte la plupart du temps ! Car on ne se rend pas compte qu’on a des drivers, on ne se rend pas compte de leurs effets négatifs et comme ils font partie de nous, on ne se pose même pas la question. 

Mais je veux vous aider à avoir une parentalité consciente. Que vous sachiez exactement pourquoi vous faites et vous dites les choses que vous faites et vous dites. 

Parce que, les drivers, s’ils s’expriment beaucoup, font que nous sommes toujours sur le dos de nos enfants avec nos injonctions. Les « fais pas ci, fais pas ça » constants. C’est assez fatigant ! 

Quels sont les messages contraignants ?

Il y en a 5, je vous les annonce et je les détaille ensuite : sois fort.e, sois parfait.e, fais plaisir, dépêche-toi, fais des efforts

Je vais rentrer dans le détail de chaque driver en vous indiquant des phrases types et à chaque fois je vous parlerai des effets négatifs et positifs. Parce que les drivers ne sont pas que négatifs, bien au contraire ! Parfois, ces effets seront communs à plusieurs drivers. Ce qui est logique car, par exemple, quand on essaye de contraindre nos enfants à être ce qu’ils ne sont pas vraiment, cela entraîne souvent une perte de confiance en soi

  • Sois fort.e 

Les phrases types peuvent être « sois courageux.se un peu ! », « un.e grand.e garçon/fille, ça ne pleure pas », « tu ne vas pas en mourir », « c’est la vie », « c’est comme ça », « arrête de t’écouter un peu ! ». 

Evidemment, toutes ces phrases ne sont pas forcément dites avec toute la douceur du monde. 

Effets négatifs : ce sont des enfants qui ne montrent pas leurs émotions, qui en sont occupés. Ils méprisent les faibles et sont des butors qui ne se préoccupent pas des dommages collatéraux. Ils n’osent pas demander de l’aide. 

Effets positifs : résistance à la pression, débrouillardise, bonne gestion de crise, endurance, résistance. 

  • Sois parfait.e

Les phrases types : « Tu peux mieux faire », « j’attendais mieux de toi », « 15 ce n’est pas 20 », en coloriage : « ne dépasse pas ! », alors que l’enfant n’est pas du tout en âge de ne pas dépasser.

Effets négatifs : perfectionnisme, exigence, insatisfaction, peur du jugement et de l’échec, pas d’audace, manque de confiance en soi, ne se donne pas le droit à l’erreur, s’attache aux détails.

Effets positifs : capacité de travail énorme, sérieux, volonté, envie de bien faire, persévérance. 

  • Fais plaisir

« Fais plaisir à maman ou papa », « tu me fais vraiment de la peine », « fais-moi un câlin », « fais un dessin pour mamie », « sois gentil.le » = chantage affectif.

Effets négatifs : incapacité à dire non ou stop qui est pourtant une réelle compétence à acquérir, peur de décevoir, séduction, culpabilité, s’oublier.

Effets positifs : altruisme, écoute, empathie, engagement.

  • Dépêche-toi 

« Qu’est-ce que tu es lent.e », « arrête de trainer », « il faut être à l’heure », « on va être en retard », « fais plus vite », « accélère », soupirs.

Effets négatifs : impatience, fait vite mais pas forcément bien, stress et mauvaise humeur, non respect de leurs priorités à eux/elles et de leurs préoccupations, pression. 

Effets positifs : dynamisme, respect des délais, réactivité, bonne résistance à la pression, être plus efficace, apprendre le respect des horaires, l’anticipation et l’organisation. 

  • Fais des efforts

« On n’a rien sans rien », « tu ne travailles pas assez », « donne-toi un peu de mal », « applique-toi ! », « c’est comme ça qu’il faut faire », des reproches comme « t’aurais pas pu faire ça comme ça ? », « t’es pas à la hauteur », « je sais faire mais toi non ».

Effets négatifs : destruction, perte de confiance en soi, insatisfaction constante, inaptitude au plaisir, fatigue, en mode contrainte. 

Effets positifs : persévérance, capacité de travail, tolérance à la frustration, rigueur, excellence, appliqué, donne le meilleur de soi-même.

Je suis sûre que vous vous êtes reconnu.e dans ces messages. En général, on en a un voire deux dominants mais on a aussi les autres. Ce qui est complètement normal. 

Alors que faire maintenant que vous avez conscience des messages contraignants ?

Je vous ai dit que pour chaque driver, il y a des effets positifs et négatifs. Donc l’idée n’est pas de les supprimer complètement, ce qui, de toute façon, me parait difficile à faire car il y a forcément des moments où nous devons faire des efforts, où nous devons nous dépêcher, etc.

L’idée est de chercher chez vous comment ils s’expriment, quelles phrases types vous dites à vous-mêmes ou à vos enfants. 

Ensuite, réfléchissez à ce qu’ils posent comme problème. Pour vous-mêmes, par rapport à la pression que vous vous infligez. Par exemple, si vous êtes concernés par le driver sois parfait.e, vous ne vous donnez pas le droit à l’erreur. Et par rapport à la pression que vous infligez à vos proches. Si vous transmettez ce driver sois parfait.e à vos enfants, ça veut dire que vous ne leur laissez pas le droit à l’erreur et que c’est beaucoup de pression pour eux ! 

Enfin, demandez-vous ce que vous voulez garder et de quoi vous voulez vous débarrasser

Je vous donne mon exemple. Mon driver dominant est le « dépêche-toi”. Il y a aussi le « soit parfaite », mais je vais vous parler du « dépêche-toi ». Toute ma vie, j’ai dû me dépêcher. Oui, j’ai tendance à faire vite mais mal ou du moins pas aussi bien que ce que j’aurais pu faire en ayant plus de temps. Pour la petite histoire, je me rappelle que ma maitresse en CE2 me l’avait reproché. Et après, ça m’a suivi toute ma scolarité. Je suis une grande impatiente et j’ai parfois du mal à trier les priorités car je vais faire celle qui est la plus urgente mais qui n’est pas forcément la mienne. 

Mais, à côté de ça, je suis très dynamique, super organisée. J’anticipe beaucoup (trop) de choses, je sais être réactive et efficace. 

J’ai donc à la fois les effets négatifs mais aussi positifs de ce driver. Ce que je trouve, c’est que c’est un peu extrême. Je suis trèèèèès impatiente mais aussi trèèèès organisée. 

Si je n’avais pas eu ce message contraignant répété et répété pendant mon enfance, je serais sans doute moins organisée et moins impatiente. Je me dis que peut-être je pourrais vivre et faire toute les choses que j’ai envie de faire sans être aussi organisée. Et dans ce cas, j’aurais gagné en sérénité en étant moins impatiente. Mais j’y travaille ! 

Et du coup, avec mes enfants, je vois que je leur transmets ça. Sauf que eux n’ont pas du tout le même rythme que moi et heureusement car ils ont plein d’expériences à faire, de choses à découvrir, à apprendre, parce que leurs préoccupations sont tournées dans une autre direction que les miennes. 

Ce que je veux vous dire c’est que tout est question de subtilité. Comme je vous le disais un peu plus tôt, il y a forcément des moments où on doit être parfait.e, fort.e, où on doit se dépêcher, faire des efforts et faire plaisir. Du moins, si on veut être adapté socialement ! 

Mais ce qu’il faut, à mon avis, c’est de la subtilité. 

Être à l’heure c’est important, persévérer aussi, être à l’écoute des demandes des autres, se débrouiller seul et avoir envie de bien faire. Tout cela est important et sont, à mon sens, des compétences à transmettre aux enfants. 

Mais prendre son temps, se donner le droit à l’erreur, savoir dire non, demander de l’aide, montrer ses émotions, sont aussi des compétences à transmettre à nos enfants. 

Et pourtant, tout ce que je vous ai dit sont d’une part, les effets positifs et d’autre part les effets négatifs de chaque driver. 

Conclusion : l’idée n’est pas du tout de les supprimer mais plutôt de les tempérer

Comment tempérer nos messages contraignants ? 

En remarquant à chaque fois que vous en dites et en le tempérant immédiatement auprès de vos enfants ou en le mettant dans un coin de votre tête pour le modifier à la prochaine occasion. 

Par exemple, pour continuer avec le driver « dépêche-toi », quand je dis à ma fille de se dépêcher alors qu’elle n’a pas du tout envie de se dépêcher et qu’elle a, au contraire, envie de prendre son temps, j’examine la situation. Est-ce qu’on est vraiment en retard ? Est-ce qu’il est vraiment important de se dépêcher là maintenant, tout de suite ? Ou est-ce qu’au contraire, on peut prendre son temps ? 

Donc soit je lui explique qu’on doit faire vite et pourquoi, soit je me détends. 

Et la prochaine fois que je suis dans cette situation, eh bien, je ferai cette rapide analyse AVANT de lui dire de se dépêcher. 

Un bref résumé : 

Il y a 5 drivers : sois fort.e, sois parfait.e, fais plaisir, dépêche-toi, fais des efforts. Les drivers sont des injonctions que nous répétons inlassablement à nos enfants. Ces injonctions ont des effets négatifs et positifs sur le long terme. L’idée n’est pas de les supprimer mais de les tempérer. Pour cela, remarquez à chaque fois que vous les utilisez et analysez rapidement la situation pour savoir si vous pouvez vous détendre ou au contraire expliquer pourquoi il est important que votre enfant fasse ce que vous lui demandez. Et gardez cette analyse en tête pour la prochaine fois que vous vous trouverez dans la même situation. 

A vous de jouer ! 

coach parental