Episode 38 – Quand les parents sont en désaccord sur l’éducation…

S’il y a une chose à ne pas faire quand on devient parent c’est remettre en cause les décisions de l’autre parent devant son enfant. Je pense qu’on vous l’a dit et répété. C’est bien ancré. Oui, mais en pratique, c’est un tout petit peu plus compliqué que ça. Avant de vous expliquer quelles sont les bonnes pratiques et les astuces à mettre en place pour l’éviter, j’aimerais d’abord vous rappeler pourquoi c’est si mauvais. 

Je vais prendre un exemple pour appuyer mon propos. Un exemple que j’ai vu dans super nanny. 

Il y a la maman qui est à la maison avec les trois enfants. C’est l’anarchie là-dedans, évidemment, sinon, super nanny ne se déplacerait pas… Il y a un enfant, je ne me rappelle même plus si c’était une petite fille ou un petit garçon, qui joue et qui crie. Je ne me rappelle plus exactement l’origine des cris mais c’était à cause d’un jouet. La maman, toute seule à devoir gérer ça, en plus de préparer le repas, s’occuper des bains etc., prend le jouet, le confisque. Evidemment, l’enfant hurle encore plus. Sur ce, le papa rentre de son travail. Le papa, après sa journée de travail, arrive chez lui et y trouve une anarchie. Tout le monde hurle sans qu’il ne sache pourquoi. Il faut dire qu’il ne cherchait pas beaucoup à connaître la genèse de cette situation… Toujours est-il que quand il rentre chez lui, tout le monde hurle. Ça ne lui fait pas plaisir. Mais, je pense que ça ne fait plaisir à personne de vivre cette situation, qu’on arrive dans la scène ou qu’on y soit depuis le début. Le papa  avait, au contraire, la vraie volonté de rentrer chez lui et de se reposer de sa journée. Ce qu’on peut comprendre aussi. Bon, ce n’est pas le cas. Il ne peut pas faire ça… Mais, n’empêche qu’il finit par comprendre que l’enfant qui hurle, du moins l’un d’entre eux, hurle parce qu’il veut le jouet que la maman vient de confisquer. Donc, le papa, qui veut, on le rappelle, se poser, rend le jouet à son enfant, de façon, on s’en doute, à ce que l’enfant arrête d’hurler. Tout cela devant le regard ébahi de la maman qui venait de confisquer le jouet. Je ne sais plus bien comment cette histoire a fini mais heureusement que super nanny était là pour remettre les choses d’équerre. 

Parce que, ce que le papa a fait dans cette situation, c’est qu’il a décrédibilisé la maman. Hop, l’autorité de la maman : squeezée ! Alors on peut penser que si c’est une situation répétée maintes fois, l’autorité de la maman est quasi nulle pour ses enfants. 

Ce que je vous décris là est une situation sans doute un peu extrême que j’espère vous ne rencontrez pas trop souvent. J’espère que le niveau sonore est un peu plus bas chez vous. Mais peut-être que, tout de même, la situation où l’un des parents interdit ou autorise quelque chose à son enfant et l’autre, une minute après (ou un peu plus longtemps) repasse derrière en disant l’inverse, arrive un peu plus souvent. Et à cette occasion, les parents se disputent devant les enfants.

Pourquoi ne faut-il pas contredire son coparent devant ses enfants ? 

La première raison est que je trouve que c’est mieux si on élève nos enfants dans une ambiance sereine, calme et apaisée, c’est-à-dire sans cris. Je suis sûrement dans le monde des bisounours en disant ça… Je vous rassure, chez moi, ça crie aussi. Mais justement, c’est quelque chose qui me tient à coeur. Quand je suis tombée enceinte (je déteste cette expression de « tomber enceinte », genre on tombe et paf on est enceinte… bref), quand je suis devenue enceinte de mon premier enfant, j’ai réfléchi un peu à comment je voulais l’élever. J’avais en tête de ne pas me mettre la barre trop haut donc je me suis limitée à deux principes. Parce que c’était deux choses que je pouvais prévoir. J’ignorais encore tout de la parentalité à cette époque-là. Donc je me suis dit : je ne veux pas taper mes enfants et je ne veux pas leur crier dessus. 

On connait tou.te.s l’expression « avant j’avais des principes, maintenant, j’ai des enfants ». Ça n’a pas loupé. Dans mes premières années de parentalité, j’ai crié et tapé. J’ai pu me rendre compte, ce que je savais déjà mais j’avais probablement besoin d’essayer, que ça ne fonctionne pas. Sauf que crier, pas taper, mais crier était devenu habituel. Dès que j’avais besoin d’insister un peu, je criais ou à tout le moins, je haussais le ton. Mais, comme ça ne me convenait vraiment pas, j’ai baissé le ton. A chaque fois que je parlais à mon fils, je le faisais un ton en dessous de ce qui sortait instinctivement. Et petit à petit, j’ai réussi à ne plus crier. Alors, parfois, je fais ma grosse voix quand même mais, pour moi, ce n’est plus crier. Mais, comme je vous disais, je crie encore de temps en temps. Parfois, je suis trop énervée, trop impatiente ou trop fatiguée, ça m’arrive aussi, je suis humaine, et donc je crie. 

Donc si vous criez chez vous, il est possible de réduire les cris pour n’en faire que lorsqu’il y a des moments avec une urgence ou un danger, ou lorsque vous n’en pouvez plus…

Or, si vous contredisez votre coparent devant votre enfant, on peut supposer que c’est dans une situation déjà tendue. Vous risquez donc, tous les deux, de vous mettre en colère encore plus. Et de crier devant vos enfants. 

La deuxième raison pour laquelle il ne faut pas contredire son coparent devant ses enfants, c’est parce que, et ça rejoint la première raison, si vous vous disputez tous les deux devant votre enfant, votre enfant se retrouve au milieu en se disant que c’est lui la cause de la dispute entre ses parents. Il peut déjà se sentir triste que ses parents se disputent mais aussi, il peut se sentir coupable. Et la culpabilité n’est jamais bonne et encore moins bien ressentie par nos enfants. L’enfant va vouloir régler le problème, c’est-à-dire se mettre dans un rôle dans lequel il n’a pas à être, surtout pour un problème qui n’est pas le sien. Ce n’est pas de sa faute, ce n’est pas lui qui provoque le désaccord et donc la dispute entre les parents. C’est peut-être lui l’élément déclencheur mais ce n’est pas la cause à plus grande échelle.

La troisième raison est que ça sape l’autorité du coparent. Les deux parents doivent être, pour les enfants, des figures stables de certitude, de confiance, d’assurance. Lorsque l’un des parents contredit son coparent, ce dernier est infantilisé par le premier. Il perd donc, aux yeux de l’enfant, cette image de stabilité, de certitude, de confiance et d’assurance. Quand je disais, dans mon exemple, que la maman n’a plus d’autorité, c’est le cas. Si le papa contredit la maman, pourquoi les enfants ne le feraient-ils pas ? Et c’est d’ailleurs très certainement pour ça que l’enfant hurlait autant pour avoir son jouet. Si son papa peut remettre en cause l’autorité de la maman, pourquoi pas lui ? 

Il est important de faire bloc, de faire montre d’unité pour justement avoir cette image de stabilité, de certitude, de confiance et d’assurance. 

Et la quatrième raison est que les enfants, loin d’être bêtes, vont en jouer. Ils vont demander à l’un des parents, puis à l’autre s’ils n’obtiennent pas une réponse satisfaisante. Alors là, je dois dire, que ce n’est pas forcément évident. Ce n’est pas évident, si les parents ne sont pas l’un à côté de l’autre au moment où l’enfant émet sa demande, ce n’est pas évident d’être aligné. Il y a certains parents qui, pour ne pas se contredire sans le savoir, ne prennent pas de décisions. Ils disent à leur enfant « qu’est-ce qu’elle a dit maman » ou « qu’est-ce qu’il a dit papa ? ». Du coup, l’enfant fait un ping pong, sans réponse… C’est un travers à éviter évidemment mais c’est tout de même mieux que d’avoir deux avis différents sur le même sujet. 

Quelques astuces pour éviter de se contredire entre parents

Commencez par quantifier et qualifier les moments où vous contredisez votre coparent. A quelle fréquence ça arrive ? Quel est le ton à ce moment-là ? Est-ce que vous criez ou non (car vous n’êtes pas obligé de crier…) ? Quel est le sujet ? Et qu’est-ce qui vous fait vous opposer à votre coparent? 

Si la fréquence est élevée, si vous criez, chers parents, il est temps de faire quelque chose ! Vous êtes au bon endroit ! 

Mais si vous ne criez pas, que ce n’est pas très fréquent, il faut quand même l’éviter ! 

Je vous demande d’identifier pourquoi vous vous opposez mais vraiment, pourquoi vous vous opposez à votre coparent ? Creusez un peu pour identifier la raison parce que généralement, c’est un problème de valeur. Les valeurs, on en a une dizaine, un peu plus, un peu moins, et c’est le moteur de notre être psychique. C’est ce qui nous fait avancer. Quand des choses sont contraires à nos valeurs, elles nous révulsent, elles nous insupportent. Si vous avez la valeur de la non-violence par exemple et que votre coparent se montre violent dans ses gestes ou dans ses mots, vous n’allez pas pouvoir laisser faire. Donc vous allez intervenir et contredire votre coparent. Je vous rappelle au passage que la violence physique ou verbale, sans parler de maltraitance, est une violence éducative ordinaire qui est interdite par la loi et qui fait des ravages sur les enfants qui vont, une fois adulte, en porter les stigmates. 

Ça peut être le cas avec d’autres valeurs, avec d’autres choses… Je vois souvent le cas de l’un des parents autoritaire et de l’autre bienveillant. L’un pense qu’un enfant doit obéir un point c’est tout, l’autre pense que pour que l’enfant obéisse, il faut lui expliquer. Ce sont deux approches complètement différentes et antinomiques. 

Je vous conseille donc de discuter avec votre coparent, quand les enfants ne sont pas là, mais vraiment pas là parce qu’ils ont toujours des oreilles qui trainent, discuter avec votre coparent pour identifier vos valeurs. Vous retrouverez, je pense, des valeurs en commun et d’autres qui ne le sont pas. Essayez alors de construire une passerelle entre les valeurs antinomiques pour trouver un fonctionnement qui convienne aux deux parents. Il est important de faire ça à tête reposée, lorsque les parents sont calmes pour que la discussion soit constructive et ne tourne pas en pugilat. 

Je pense également qu’il faut se mettre d’accord que, par principe, lorsque l’un des parents a pris une décision, l’autre le soutient même s’il n’est pas d’accord. Et ça, c’est coton, parce que si le sujet du désaccord est vraiment quelque chose qui est contraire à nos valeurs, c’est difficile de se taire et de ne pas intervenir. Pour reprendre l’exemple de la violence physique, je pense qu’il faut intervenir (je sais que je m’auto-contredis, pourtant, je suis toute seule…) mais vraiment, il faut protéger les enfants. Si c’est de la violence verbale, même chose. Si un des parents dénigre l’enfant en disant, par exemple, qu’il est un bon à rien, je vous encourage à mentionner le fait que ce n’est pas parce qu’il s’est passé ce qu’il s’est passé et donc que l’enfant n’arrive pas à faire une chose que c’est « un bon à rien ». Je pense qu’il faut amener un peu de mesure et de subtilité. 

Par contre, si l’un des parents décide d’une autorisation ou d’une interdiction, là, à chaque fois, le coparent, même s’il n’est pas d’accord doit faire bloc. Ce que je conseille à mes clients quand ça arrive, c’est que le deuxième parent renvoie l’enfant vers le parent qui a pris la décision. Je vous donne un exemple pour expliquer mon propos. Un des parents a interdit à l’enfant de regarder la télé. L’enfant vient se plaindre à l’autre parent. Ce deuxième parent, lui, aurait donné l’autorisation. Il ne peut pas dire « mais si, va regarder la télé ! ». Par contre, ce qu’il peut faire c’est encourager l’enfant à aller demander à l’autre parent pourquoi il ne veut pas et à quel moment il pourra… De façon à ce que le parent qui a pris la décision revienne éventuellement sur sa décision. On rejoint un peu ce que je vous disais dans l’épisode 5 « la tyrannie des deux ans » dans lequel je vous préconisais de vous tenir aux décisions que vous prenez. Là, je suis en train de vous dire qu’un parent peut changer sa décision et je ne me contredis pas ! Les parents peuvent revenir sur leur décision en expliquant pourquoi. Et c’est très très important d’expliquer pourquoi ! Sans ça, effectivement, votre figure d’assurance, de confiance et de stabilité et donc, votre autorité, va en prendre un coup. Si vous expliquez pourquoi vous avez pris une décision et pourquoi vous prenez la décision contraire, vous conservez votre figure de stabilité, de confiance et d’assurance. Donc, c’est seulement le parent qui a pris la décision qui peut se contredire. 

Rassurez-vous !

Je voudrais finir cet épisode en vous rassurant. Se contredire est facile et je dirais même naturel. Il est impossible d’être toujours d’accord avec l’autre. Sinon, vous êtes une seule et même personne… Les désaccords sont complètement normaux. Ils font partie de la vie. Ce qui l’est moins, ce sont les disputes et les cris, mais sur ça, vous pouvez agir ! 

Et puis, sûrement, qu’au début de la relation que vous avez avec votre coparent, ce sont justement les différences qui vous ont attirée. Les couples, en général, se complètent. L’un.e va être bordélique, l’autre super organisé.e, l’un.e anxieux.se, l’autre détendu.e, l’un.e extraverti.e, l’autre introverti.e… Le problème est que lorsqu’on devient parent, il faut être aligné et faire bloc. Et ce n’est pas intuitif. Loin de là. L’éducation des enfants n’est pas intuitive. Donc, on remédie à ça en communiquant, en discutant de façon constructive et efficace et en donnant le droit à l’erreur à l’autre. 

Vous êtes une équipe, vous progressez ensemble dans votre parentalité. 

coach parental