Episode 7 – Les étiquettes

Qu’est-ce que je veux dire quand je parle d’étiquette pour nos enfants

Vous savez, sur la boîte de cookies aux chocolats que vous avez achetée, il y a une étiquette avec marqué « cookies au chocolat » et tout un tas de caractéristiques : les ingrédients, les apports nutritionnels, si c’est bio, si c’est sans huile de palme, etc.

Et donc, quand vous ouvrez la boîte, vous vous attendez effectivement à avoir des cookies au chocolat. 

Maintenant, imaginez que l’on vous a toujours dit que vous étiez maladroit.e. Vos parents vous trouvaient maladroit.e, vos frères et soeurs, bref, tout le monde. On vous l’a tellement répété que vous l’avez intégré. C’est devenu une vérité pour vous, une croyance. Voilà, vous êtes maladroit.e. C’est votre rôle. Vous vous définissez vous-même comme quelqu’un de maladroit.e et vous le dites à qui veut l’entendre, vous expliquez vos actions ou en l’occurrence vos bourdes ou le verre que vous venez de casser en disant « ah oui, quel.le maladroit.e, je fais ! ». Les personnes qui sont autour vont enregistrer l’idée que vous êtes maladroit.e et preuve en est puisque, d’une part, vous le dites vous-même et, d’autre part, il y a bien un verre cassé. 

Et à chaque fois que vous casserez un verre, les gens vont penser, « ben oui, il.elle est maladroit.e ». 

Vous avez une étiquette de maladroit.e ! 

Et on fait la même chose avec nos enfants, parfois de façon inconsciente. 

On dit de nos enfants qu’ils sont timides, bons élèves, bagarreurs, sages et calmes, serviables, casse-cou, casse-pieds, mignon.ne.s…

Mais si on dit que notre fils est timide à qui veut l’entendre, par exemple, on rencontre quelqu’un qui pose des questions à notre fils et on dit « ah non, il ne vous parlera pas, il est timide ». On enlève la possibilité à notre enfant de parler. Même si lui avait envie de parler, eh bien, on lui coupe l’herbe sous le pied. Il est timide donc il ne parle pas. Point. 

Remarquez aussi que, si vous avez plusieurs enfants, les étiquettes, les rôles que vous donnez à chacun sont souvent antagonistes. Il va y avoir le timide et la pipelette. Le bagarreur et le sage. Le responsable et le tête en l’air. 

Pensez à votre propre histoire, à votre propre enfance. Peut-être que vous étiez vous-même le/la responsable, le/la bon.ne élève, ou l’enfant terrible. Comment cela vous a-t-il affecté.e pendant votre enfance ? Est-ce que ça vous affecte encore en étant adulte ?

Alors, sachez déjà que dans ce que je dis dans cet épisode et dans les autres, c’est qu’il n’y a aucun jugement de ma part. Je ne vous juge pas de façon péjorative si vous avez collé des étiquettes à vos enfants. Pas du tout. Je l’ai fait. Je crois qu’on l’a tou.te.s fait et c’est tout à fait normal de le faire. 

Pourquoi collons-nous des étiquettes à tout va ?

Sachez d’abord, que l’on donne des étiquettes à tout ce qu’on voit et à toutes les personnes que l’on rencontre. C’est assez proche d’un jugement

C’est complètement normal d’agir ainsi, c’est à cause ou grâce à notre biais de généralisation. C’est grâce à ce biais que l’on identifie tout de suite les choses et les personnes qui nous entourent. Je prends l’exemple d’un fauteuil. Un fauteuil c’est un truc avec quatre pieds, une assise, un dossier et éventuellement des accoudoirs. C’est fait pour s’assoir et c’est confortable. Grâce à notre biais de généralisation, à chaque fois qu’on voit un fauteuil, on n’a pas besoin d’examiner attentivement l’objet, de le tester, de se demander à quoi ça sert, etc. On sait tout de suite que c’est un fauteuil. 

C’est également ce biais de généralisation qui nous fait porter des jugements. Le « j’aime les tomates » ou le « je n’aime pas le café ». J’aime toujours les tomates et je n’aime jamais le café. Et j’utilise ces mots (toujours et jamais) à dessein car ce biais de généralisation, on le remarque dans des phrases qui contiennent les mots « toujours, jamais, rien » et leurs déclinaisons. 

Donc c’est à cause de ce biais de généralisation que l’on donne des étiquettes aux personnes qui nous entourent ou à nous-mêmes d’ailleurs ! Par exemple, au bureau, il va y avoir, celui qui n’est jamais content, celle qui se plaint toujours de son poids, celui qui fait toujours des blagues que l’on ne comprend pas, celui qui ne comprend jamais mes blagues, celle qui amène toujours des gâteaux fait maison et celle qui amène toujours des viennoiseries, celui qui dit toujours non, celle qui n’est pas aimable etc. 

Toute ressemblance avec la réalité est évidemment fortuite !

Comme je vous le disais, on s’en met aussi à nous-mêmes. On peut se dire : je suis toujours celle qui râle, je suis toujours celle qui organise tout, je suis toujours celui qui est strict, je suis toujours celui qui cuisine, je suis toujours celle qui change la couche, je suis toujours stressée, je suis toujours anxieux, etc.

Et en particulier, on en donne à nos enfants et aux enfants qui nous entourent. Il y a l’aîné, le grand frère ou la grande soeur, le petit dernier ou la petite dernière, le petit garçon timide, la petite fille boudeuse, il y a le bagarreur, celle qui est bavarde, celui qui n’écoute pas, celle qui n’arrive jamais à s’endormir du premier coup, celui qui n’est jamais content, celle qui râle tout le temps, il y a la pleurnicheuse, le casse-cou, le bon en math, la bonne en français, le bon ou mauvais élève ou pire, l’attardé, la chieuse et j’en passe. 

Vous remarquez que les étiquettes que l’on met aux personnes qui nous entourent et à soi-même sont principalement, mais non exclusivement négatives. Ça ne va jamais être, par défaut, celle qui sourit tout le temps, celui qui aide toujours les autres, celui qui fait les meilleurs gâteaux au chocolat… 

Mais, même si c’était le cas, cette étiquette, positive d’un premier abord, peut aisément se retourner contre son porteur. 

Celle qui sourit tout le temps n’aurait pas le droit d’avoir des moments de moins bien ? Celle qui s’adapte à toutes les situations sera donc celle que l’on changera plus facilement de poste ou sera celle qui servira de variable d’ajustement. Mais est-ce que ça lui convient ? Celle qui tient toujours les délais sera celle qui aura le plus de charge ? 

Celui qui est un virtuose au piano devra obligatoirement en jouer ? 

Quand ces étiquettes concernent des adultes, en général, on ne le dit pas devant eux. Ça peut arriver mais ce n’est pas systématique. 

Alors que pour nos enfants, on le dit devant eux, sans problème, sans se poser de question. De façon tout à fait naturelle. Au détour d’une conversation avec d’autres adultes, on va dire « Oscar est timide. Léa a du mal à s’endormir. Camille n’écoute rien à l’école, qu’est-ce qu’il est bavard ! Louis râle tout le temps », etc.

Et on le dit presque sans faire exprès : ça coule bien dans la conversation. C’est quelque chose qui nous préoccupe, nous en tant que parent, donc on l’exprime facilement. Et l’autre adulte va répondre quelque chose comme « ah oui, moi, mon fils, c’est pareil » ou « je connais untel qui est pareil » et le lien, la connexion avec l’autre adulte se sera faite. Je ne dis pas que l’on dévoile l’étiquette de nos enfants pour obtenir un quelconque intérêt. Je pense qu’on le dit plutôt pour expliquer une situation ou justifier une action ou une absence d’action. 

Mais, le problème c’est que l’enfant est là, à côté. Il écoute même s’il n’en a pas l’air. Je vous renvoie à l’épisode un du podcast dans lequel j’explique entre autres que les enfants ont toujours une oreille qui traine même s’ils n’en ont pas l’air. Et lui se dit « oui, j’aime la bagarre et si maman/papa dit que j’aime la bagarre, c’est comme ça qu’il me reconnait ». Donc, s’il n’aime plus la bagarre ou s’il ne l’aime pas autant que papa/maman le croit, qu’est-ce que ça lui fait ? 

Je crois que c’est pire quand la personne ou l’enfant a un handicap ou une allergie ou une maladie. Ça va être « Charles est dyslexique. Emma a une allergie au lactose. Léo a du mal à marcher » comme si tout son être, toute la personne que l’enfant est, tourne autour de ça, de cette particularité. 

Or, c’est loin d’être le cas. Nos enfants, chaque personne qui nous entoure en fait, sont bien plus qu’une caractéristique, surtout si elle est négative. 

En disant ça, en le répétant, devant eux, on les enferme dans des rôles. Ainsi, ils seront toujours comme on dit qu’ils sont, alors qu’eux-mêmes ne l’ont pas choisi et veulent s’extirper de cette étiquette. 

C’est un repère pour eux, ça l’est devenu et c’est un repère inadéquat. 

Qu’y a-t-il de mal à coller des étiquettes ou à donner des rôles à nos enfants ? 

Je reviens à ma boîte de cookies. Si vous ouvrez la boîte de cookies au chocolat et qu’il n’y a pas de cookies au chocolat mais des muffins aux myrtilles, comment vous réagissez ? Quand vous ouvrez une boîte où il y a écrit « cookies au chocolat », il faut que ce soit des cookies au chocolat. Le produit n’est pas autorisé à changer. 

Si votre enfant est le bagarreur, vous vous attendez à ce qu’il se batte ou à ce qu’il enquiquine les autres. Il va donc agir de la façon attendue. 

Si vous-même vous vous définissez comme maladroit.e et que vous êtes connu.e et reconnu.e en tant que maladroit.e, vous serez toujours maladroit.e.  

Les étiquettes deviennent nos identités, collées à nous sans possibilité d’en changer jusqu’à ce qu’on s’autorise soi-même à en changer ou qu’on autorise nos enfants à en changer.

Donc, ne cantonnons pas nos enfants à leur timidité, leur bavardage, leur inclination à bouder ou à se bagarrer ou à leur particularité (handicap, allergie, maladie). Ils sont bien plus que cela. Comme vous êtes bien plus que celle qui râle tout le temps ou celui qui range tout le temps. Vous le sentez au fond de vous. C’est pareil pour vos enfants. 

Essayez de les voir, non pas comme ils sont, mais comme vous voudriez qu’ils deviennent. Si vous avez un enfant qui cherche la bagarre, dites-lui et convainquez-le qu’il est capable de beaucoup de gentillesse.

Si vous avez un enfant timide, vous pouvez lui dire et le convaincre qu’il est capable de dire ce qu’il veut et à qui il veut. 

Si vous avez un enfant boudeur, vous pouvez le convaincre à quel point il peut se montrer raisonnable et prendre du recul par rapport à la situation. 

Si l’enfant se dit lui-même bagarreur, timide ou boudeur, faites-lui remarquer qu’il peut également être gentil, audacieux et raisonnable. 

Allons plus loin : quand vous parlez de vos enfants à d’autres adultes, ne pointez pas du doigt leur défaut ou leur qualité d’ailleurs. Pas un seul ou une seule. Vos enfants, comme tous les êtres humains, sont bien plus qu’un seul défaut ou qu’une seule qualité. 

Vous leur donnerez l’autorisation de sortir de leurs rôles. Et je crois que c’est l’un des plus beaux cadeaux que l’on peut faire à des êtres en construction.

Vous allez ainsi libérer vos enfants du rôle dans lequel ils sont, vous allez leur décoller l’étiquette pour leur donner la chance d’être exactement qui ils ont envie d’être.

Un petit résumé :

  • A cause de notre biais de généralisation, nous collons des étiquettes à tout ce qui nous entoure et, notamment, nous attribuons des rôles à nos enfants.
  • Ceci est paradoxal car bien souvent, ce rôle ne nous convient pas.
  • Ce rôle enferme nos enfants dans une caractéristique, un qualificatif bien précis. 
  • Nous, parents, pouvons les aider à les en sortir en les convaincant qu’ils peuvent être différents. Au lieu de leur répéter inlassablement l’étiquette que vous leur avez collée, le rôle que vous leur avez attribué, répétez-leur ce que vous aimeriez qu’ils soient : audacieux.se, gentil.le, raisonnable, calme…
coach parental