Episode 36 – Les caprices

Dès qu’un enfant pleure, certains considèrent qu’il fait un caprice. C’est pas compliqué, il pleure, chouine, insiste pour avoir quelque chose « arrête tes caprices ! ». 

Il y a un côté péjoratif au terme caprice. Un caprice, c’est mal. Un caprice est fait par un enfant déjà trop gâté qui veut quelque chose de plus. Un caprice, c’est immature. Un caprice, c’est injustifié, toujours. Un caprice, c’est demander trop. 

Mais, un caprice est complètement subjectif. D’après moi, mes enfants n’ont jamais fait de caprices. D’après d’autres, ils n’arrêtent pas d’en faire. Qui a raison ? Je pense que c’est moi. 

De quoi parle-t-on ? Le Robert définit le caprice comme « une envie subite et passagère, fondée sur la fantaisie et l’humeur » et précise que pour les enfants, « c’est une exigence accompagnée de colère ». 

Le fait est que les enfants ne maitrisant pas leurs émotions ont souvent des émotions extrêmes et donc des colères. Et ils demandent beaucoup de choses parce qu’ils ne se mettent pas de limite. Ils ne se disent pas « ah non, ça je ne peux pas l’avoir ». Ce qui est très bien n’est-ce pas ?! Donc quand on mixe les deux, on arrive souvent à que des caprices. 

Arrêtons-nous un instant sur ces deux éléments. Les émotions débordantes et les demandes incessantes. 

Les émotions débordantes

Je vous l’avais déjà expliqué dans l’épisode 3 « quand l’enfant fait une crise », le cerveau humain est composé de trois parties. Le cerveau reptilien qui est le siège des réflexes primaires, du système de base : respirer, manger, boire. 

Ensuite, il y a le cerveau limbique qui est le siège de la mémoire, de l’olfaction et de nos émotions

Et enfin, il y a le néocortex qui est le siège des fonctions plus évoluées comme le langage, la réflexion, la commande de mouvements volontaires, la conscience… et la gestion des émotions. L’enfant naît dépourvu de néocortex. C’est une zone qui se développe de la naissance jusqu’à 25 ans environ. Donc, pendant de nombreuses années, les enfants sont dépourvus de la capacité rationnelle de gérer leurs émotions. Ce qui explique que lorsqu’ils ont, ce qui est pour nous une petite contrariété, ils pleurent pendant de longues minutes et se mettent en colère. Les enfants vont progressivement avoir la capacité de gérer leurs émotions au fur et à mesure que leur néocortex se développe. Mais, le peu qu’ils parviennent à gérer de leurs émotions peut voler en éclats s’ils sont fatigués. Ce qui explique souvent qu’en fin de journée ou après une activité quelconque qui les a fatigués, les émotions débordent plus. La fatigue est un facteur de débordement d’émotions important. Sachant cela, sachant que leur cerveau n’est pas tout à fait capable de gérer leurs émotions, notre regard sur des débordements d’émotions devrait changer. 

Les demandes incessantes

Parlons maintenant des demandes incessantes. Les enfants ne vont pas se limiter eux-mêmes. Ils ne vont pas se dire « non, ça n’est pas raisonnable ! ». Ça, ce sont les adultes qui le font. Eux voient quelque chose, pensent à quelque chose et le veulent. Ça ne passe pas par la case « est-ce que c’est la bonne heure ?, est-ce que ce n’est pas trop cher ?, est-ce que j’en ai pas déjà d’autres ?… » Les adultes leur apprennent à faire ça. Les adultes leur apprennent que manger des bonbons tout le temps n’est probablement pas une bonne idée. Que la chambre n’a pas besoin d’être remplie de jouets en plusieurs exemplaires chacun, qu’on ne forge pas l’argent la nuit et donc qu’il faut se montrer économes en certaines occasions. Les parents limitent leurs enfants dans ce qu’ils veulent et ce qu’ils font parce que… eh bien, nous sommes bien obligés de le faire. La vie que nous vivons comporte forcément des limites, quelles qu’elles soient. Mais eux prennent leurs rêves pour la réalité et n’est-ce pas justement le propre de l’innocence et de l’insouciance des enfants ? Je vous en parlerai dans un prochain épisode

Donc, pour en revenir aux caprices, les enfants font des caprices car ils sont facilement débordés par leurs émotions et je viens de vous expliquer qu’ils ne peuvent pas faire autrement étant donné que leur néocortex n’est pas formé et qu’ils ne se mettent pas de limites à leurs désirs. 

Comment réagir lorsque votre enfant fait un caprice ? 

Déjà, si vous voulez bien, évitez de considérer que votre enfant fait quelque chose de mal en se mettant en colère parce qu’il veut quelque chose que vous n’autorisez pas. Si c’est acceptable pour vous, évitez le mot caprice. C’est un mot que je déteste parce que je le trouve tellement péjoratif ! Comme si les enfants faisaient quelque chose de mal de façon intentionnelle. Comme s’ils voulaient vous manipuler. Comme s’ils se changeaient en diablotins et qu’ils avaient des cornes qui leur poussaient sur la tête. Ils sont victimes eux aussi de leurs émotions et de leurs désirs et donc… de leurs caprices. 

Une fois que vous aurez compris et intégré ça et surtout que vous y adhérerez, réagir de façon positive aux caprices de vos enfants sera beaucoup plus simple ! 

La diminution voire la disparition des caprices passe par pas mal de choses :

  1. la gestion de la frustration : ça s’apprend. Et c’est nous, parents, qui l’apprenons à nos enfants. Se montrer raisonnable, se montrer patient et comprendre qu’on ne peut pas tout avoir tout de suite, comprendre qu’il y a des choses qu’on ne peut pas avoir du tout.
  2. La posture de l’adulte : comment réagissez-vous quand votre enfant fait un caprice ? Si vous essayez de crier plus fort que lui, dites-moi, où cela va-t-il s’arrêter ? Si vous le punissez, qu’est-ce que ça lui apprend ? Si vous vous énervez aussi, la colère est donc un modèle. Tout ce que je vous transmets dans ce podcast tend à vous faire améliorer votre posture et la façon dont vous réagissez face à des situations pareilles. Bien sûr, laissez-vous le droit à l’erreur. On n’est pas toujours disponible et disposé à réagir calmement et sereinement face à un caprice ou à toute autre situation désagréable. Mais dans l’idéal, et autant que vous pouvez, je vous préconise de rester calme et d’avoir l’attitude que vous voudriez que votre enfant ait. Les neurones miroirs vont se mettre en action et pousser votre enfant à vous rejoindre dans l’état émotionnel dans lequel vous êtes et dans l’attitude, le comportement que vous avez. 
  3. Les explications que vous allez fournir à votre enfant. Que vous allez fournir ou pas d’ailleurs. Si vous vous contentez de refuser la demande de votre enfant en disant simplement non, tu n’auras pas ça, l’enfant va trouver que votre décision est très arbitraire et il aura raison. Il y a forcément une explication rationnelle à votre décision : partagez-la avec lui. Peut-être que ce n’est pas le bon moment, que vous lui avez déjà acheté quelque chose, que vous n’avez pas le temps, que vous avez prévu autre chose… peu importe, expliquez-lui. Il est capable de comprendre même assez jeune ! Peut-être aussi que votre enfant vous a contrarié un peu plus tôt, qu’il a eu une attitude que vous n’acceptez pas et que vous ne voulez pas lui faire plaisir. Vous pourriez, mais vous n’en avez pas envie. Vous avez tout à fait le droit, bien-sûr. Mais, expliquez-lui ! Il vaut mieux que vous lui disiez que vous n’avez pas envie de lui faire plaisir et que vous lui disiez tout simplement non. Il ne sera sûrement pas content non plus si vous lui dites ça, mais pour lui c’est rationnel et donc acceptable. 
  4. L’anticipation : je pense que, si vous observez un peu votre enfant, vous repérerez assez rapidement les situations créatrices de caprices. Si vous allez, par exemple, faire les courses et qu’à chaque fois que vous passez devant les jouets ou les bonbons ou que sais-je encore, votre enfant vous réclame et que vous dites non, et qu’il commence à faire un caprice, ça vous donne une bonne idée des éléments déclencheurs. Ma mère m’a souvent raconté qu’elle nous emmenait, mon frère et moi, dans un centre commercial dans lequel il y avait un manège. A chaque fois qu’on passait devant, évidemment, on voulait faire un tour de manège, alors elle faisait un grand détour dans les galeries pour éviter qu’on passe devant. Je ne sais pas exactement si on faisait des caprices pour faire un tour de manège ou si juste, ma mère voulait se simplifier la vie… Toujours est-il que c’est une super tactique ! Supprimer l’élément déclencheur du désir de l’enfant et donc, des caprices. Alors quand on fait ses courses, on ne décide pas vraiment de l’agencement des rayons et ça peut être compliqué de ne pas passer à proximité de ce rayon. Donc, ce que je vous propose, c’est avant d’aller en courses, prévenir votre enfant que vous allez faire les courses, que vous avez envie que ça se passe bien et que vous ne pouvez pas ou ne voulez pas lui acheter ce qu’il va demander. Peut-être que pour un début, s’il vous demande un paquet de bonbons et que vous ne voulez pas ou ne pouvez pas le lui acheter, vous pouvez lui dire que vous allez acheter autre chose qu’il aime, pour compenser. Quelque chose de plus sain, de moins cher, quelque chose que, de toute façon, vous vouliez lui acheter… De façon à ce que chacun soit content. Ça va peut-être ne pas fonctionner du premier coup, d’un claquement de doigts, encore que ce soit possible, mais ça va donner une nouvelle habitude et assez rapidement les caprices vont disparaitre. 
  5. La fatigue : je vous l’ai dit un peu plus tôt, la fatigue empêche le néocortex, qui est le siège de la gestion des émotions, de bien gérer ses émotions. Pourquoi ? Eh bien parce qu’il se déconnecte. C’est comme si l’interrupteur était éteint. C’est le cas chez tout le monde. Lorsque la colère nous gagne, si elle prend des proportions importantes, notre néocortex se déconnecte. Je parle de la colère car d’après mon expérience, c’est l’émotion négative que nous ressentons le plus mais c’est le cas de toutes les émotions intenses. Pour que le néocortex se reconnecte, il faut du temps et un retour au calme. C’est d’autant plus spectaculaire chez les enfants car leur néocortex n’est pas bien développé et que la déconnexion est assez facile. C’est assez fréquent chez les ados aussi. Donc pour éviter ces déboires, essayez d’anticiper au mieux les situations créatrices de fatigue. Je prends l’exemple de mon fils : je sais que si on fait des activités sportives, qu’on va à droite à gauche, toute la journée, à la fin de la journée, ça va être un peu difficile. Donc, déjà j’en ai conscience. Je sais que si je lui fais faire tout ça, la soirée risque d’être difficile. En étant préparée à ça, je vais plus facilement avoir une attitude d’empathie et de compréhension lorsque le caprice arrivera (même si, je vous rappelle que d’après moi, mes enfants ne font pas de caprices). Je peux aussi supprimer une activité, et la faire un autre jour. Et surtout, je peux le prévenir que ça va être une grosse journée, que ce soir, il va être fatigué, que quand il est fatigué, il a tendance à avoir une attitude qui ne me convient pas et que je compte sur lui pour qu’il ne fasse pas de caprices ou de colère parce que je l’en sais capable. Ce dernier point est très important : le fait que je lui dise qu’il est capable de garder une attitude calme et coopérative va lui donner confiance en lui et va faciliter cette attitude. 

J’ai dit pas mal de chose dans cet épisode alors je le résume : 

  • Le caprice est péjoratif. Je n’aime pas du tout ce mot ! 
  • Les enfants font des caprices parce qu’ils ne limitent pas leurs désirs et parce qu’ils ne maitrisent pas vraiment leurs émotions. Sachant cela, vous allez mieux accueillir les caprices de vos enfants. 
  • Comment réagir quand l’enfant fait un caprice ? En adoptant soi-même la bonne posture, c’est-à-dire en restant calme et posé. En expliquant à votre enfant les raisons de votre décision : s’il n’a pas d’explication, votre décision lui semble arbitraire et donc injuste et insupportable. Tandis que si vous lui expliquez pourquoi vous lui avez dit non, même si c’est juste parce que vous n’avez pas envie de lui faire plaisir, il comprendra et acceptera mieux votre décision. En anticipant : si vous savez que dans telle situation votre enfant fait un caprice, prévenez-le avant de ce qu’il va se passer et des limites que vous lui imposerez, et que vous lui imposez déjà, avant même que la situation qui déclenche systématiquement un caprice ne se produise. Modulez la fatigue de votre enfant. La fatigue va rendre encore plus difficile la gestion des émotions de votre enfant. Tenez-en compte avant de faire quelque chose. Tout cela va aider votre enfant, progressivement, à gérer la frustration. La frustration est un apprentissage difficile pour les enfants. Pour leurs parents aussi car c’est beaucoup de crises, de colères ou de caprices. 
coach parental