La question mérite d’être posée étant donné que beaucoup d’adultes, dont certains de mes coachés, croient que les enfants doivent avoir peur d’eux pour se faire obéir. Et beaucoup d’enfants ont effectivement peur des adultes qui les entourent.
Considérons, pour la suite de l’épisode, ce sera plus simple, que l’adulte en question est le parent des enfants qui ont peur de lui. Ce sera plus simple mais n’oublions pas que les adultes concernés peuvent être des membres de la famille autres que des parents, comme des grands-parents, des oncles, des tantes, des cousins ou des encadrants type animateurs du centre aéré ou enseignant.e.s. Les enfants peuvent donc être les fils et filles desdits parents mais aussi les petits-enfants, neveux, nièces, cousins, cousines ou des écoliers.
Pourquoi certains enfants ont-ils peur de leurs parents ?
Parce que le parent a instauré cette façon de faire. Le parent qui est dans ce fonctionnement croit qu’il n’y a pas d’autres alternatives à l’obéissance. Il est dans un rapport de force avec ses enfants, dans un rapport de domination.
Dans le schéma dominant/dominé, le dominant ordonne et le dominé exécute. C’est aussi simple que ça. Alors, ça présente sûrement des avantages car l’enfant est soumis à son parent et agit de façon automatique, comme une machine. Et quand l’enfant n’obéit pas, le parent crie, ce qui effraie l’enfant au début mais il va rapidement s’habituer ; le parent punit l’enfant avec des punitions de plus en plus dures puisqu’au bout d’un moment l’enfant n’en a plus rien à faire de ses punitions ; le parent peut taper l’enfant avec des fessées ou des claques, ce qui, je le rappelle, est interdit par la loi. L’enfant s’habitue également rapidement à ces coups et s’endurcit, par la force des choses. Tout cela est généralement accompagné de paroles rabaissantes et dénigrantes pour garder l’enfant dans une position de dominé, de moins que rien. Tout cela constitue ce que l’on appelle les Violences Educatives Ordinaires (VEO).
Je dresse sûrement un tableau un peu noir, un peu extrême. Certains parents qui sont dans ce mode d’éducation, le sont peut-être un peu moins, d’autres un peu plus… Le degré d’intensité peut différer mais le fond reste le même.
Sans doute que ces parents ont eux-mêmes été élevés ainsi, ils ont eux-mêmes été dominés étant enfants. C’est la raison pour laquelle ils reproduisent ce qu’ils ont vécu. Ce sont des parents qui n’ont pas eu de réflexion sur l’éducation qu’ils voulaient donner à leurs enfants. Je ne juge pas, les raisons peuvent être nombreuses et complexes, j’en ai conscience et je reconnais à chacun le droit et la liberté de ne pas se poser de questions sur l’éducation de ses enfants.
Je fais une parenthèse sur les raisons pour lesquelles je fais un épisode sur ce sujet : je devais être au début de ma vie professionnelle, peut-être même que j’étais stagiaire à l’époque. En tout cas, j’étais jeune et ignorante sur le sujet de l’éducation des enfants. Je savais que je voulais un jour devenir mère mais ce n’était pas encore le moment pour moi et je n’avais donc pas été confrontée à la parentalité. J’ai la conviction que tant qu’on n’est pas devenu parent soi-même, on ne sait pas ce que c’est même si on s’imagine et on projette plein de choses. Bref, j’avais un collègue, père de trois jeunes garçons avec un aîné visiblement difficile. Ce collègue m’a raconté l’histoire suivante : son aîné avait enfermé sa mère sur le balcon alors qu’il était à l’intérieur de l’appartement avec ses jeunes frères qui étaient très jeunes donc qu’on ne peut pas laisser seuls trop longtemps. La mère a demandé à son fils de lui ouvrir. De l’autre côté de la fenêtre, l’aîné dansait et faisait des simagrées de fierté d’avoir embêté sa mère. Ça a duré un moment avant qu’il n’ouvre la porte à sa mère. Le soir, en rentrant, la mère a raconté à son mari, mon collègue donc, ce qu’il s’était passé. Le père est allé discuter avec son fils en lui disant que ce qu’il avait fait n’était pas bien, je ne sais plus exactement comment, et qu’il devait obéir à sa mère. Il a demandé à son fils s’il avait peur de sa mère. L’enfant a dit non avec la tête. Puis, il a demandé à son fils s’il avait peur de lui et l’enfant s’est empressé d’acquiescer. Mon collègue m’a raconté ça avec fierté. Il était fier d’avoir ce pouvoir sur son fils. Il était fier que son fils ait peur de lui.
Encore une fois, j’étais complètement novice en parentalité, mais déjà ça m’avait gênée, même choquée. Pourquoi être fier que son enfant ait peur de soi ? Était-ce ça la parentalité ? N’y avait-il pas d’autres façons de faire ? Je n’avais que des enfants imaginaires à ce moment-là mais je savais déjà que je ne voulais pas de ça. Je vous rassure qu’une fois que j’ai eu des enfants, je me suis dit que peut-être ça pouvait fonctionner et j’ai essayé cette méthode. J’ai rapidement fait le constat que d’une, ça ne me convenait pas du tout, et que de deux, ça fonctionnait pas.
Je rencontre aussi beaucoup de coachées qui me disent que leur coparent fonctionne de cette façon.
Avant de vous proposer des alternatives, je voudrais vous expliquer pourquoi ne faut-il pas que les enfants aient peur de leur parent.
L’autoritarisme, qui est donc un mode d’éducation qui inclut la peur de l’enfant de son parent, rend les enfants peu sûrs d’eux. Ils se renferment, ont une faible estime d’eux-mêmes, ils sont dans l’insécurité. Tout cela fait qu’ils n’osent pas, de façon générale : ils n’osent pas faire de nouvelles choses, se mettre en avant, demander…
Ils sont dominés par leur parent. Et comme ils croient que le monde fonctionne sur un mode dominant/dominé, ils vont à leur tour vouloir dominer. Qui ? Eh bien, qui ils peuvent, qui ils ont sous la main. Des plus faibles qu’eux en général, ils ne sont pas fous et ils ont un instinct de conservation hyperdéveloppé ! Ils vont vouloir dominer des petits frères ou petites sœurs, des enfants qui paraissent plus faibles qu’eux dans la cour de récré, n’importe qui. Et en grandissant, en devenant ados puis adultes, ça va continuer. Ces enfants font d’excellents harceleurs, par exemple.
Et puis, je crois que le lien, la relation qu’on a avec son enfant en prend un coup. Je le dis souvent, le parent doit être un roc pour les enfants, un port d’attache, une sécurité. Le parent ne sera pas tout cela si l’enfant a peur de lui.
Dans ce mode d’éducation, l’enfant obéit parce qu’il a peur des conséquences, il a peur de l’agressivité de son parent.
Comment faire autrement ? Comment se faire obéir autrement que par la peur ?
Je parle longuement de l’obéissance dans l’épisode 29. Je vous invite à écouter ou réécouter cet épisode. Globalement, ce que j’y dis, c’est qu’il faut plutôt amener l’enfant à coopérer qu’à obéir, avoir une autorité positive. L’idée est que l’enfant comprenne pourquoi il doit faire ce que vous lui demandez. Par exemple, l’enfant doit se laver les dents pas juste parce que vous lui demandez mais parce qu’il a compris que s’il ne se les lave pas, il va avoir des caries qui vont être douloureuses. Vous expliquez comme vous voulez, avec vos propres raisons. Ce que j’évoque ici n’est qu’un exemple. Mais l’idée est que l’enfant comprenne pourquoi il doit faire tout ce qu’il doit faire. Il doit comprendre pourquoi il agit, et il doit comprendre son intérêt à agir. S’il n’a pas compris, vous allez entrer en conflit avec lui et revenir sur des méthodes d’éducation non bienveillantes.
Après, il se peut aussi que l’enfant ait compris mais qu’il ne veuille quand même pas le faire. Nombre d’enfants s’en fichent d’avoir des caries, par exemple, parce qu’ils ne se rendent pas compte de ce que c’est et puis c’est sur le long terme donc c’est trop abstrait pour eux. Dans cette situation, je vous conseille de leur faire comprendre qu’il y a des contraintes dans la vie. Eh oui ! Il y en aura toujours. Certains parents voudraient protéger les enfants de tout, tout le temps et pour toute la vie mais évidemment, ce n’est pas possible. Leur apprendre ces petites contraintes, notamment celles qui sont liées à l’hygiène, c’est leur apprendre à réagir face aux contraintes qu’ils rencontreront toute leur vie ! Pour cela, expliquez-leur encore et encore, raisonnez-les, expliquez que vous aussi vous avez des contraintes et que si vous ne faisiez pas ces choses contraignantes, obligatoires à faire, ça aurait un impact sur eux. Je pense par exemple à la préparation des repas, aux lessives… Il y a plein de contraintes quand on est parent alors je vous laisse choisir !
Je vous recommande aussi de les amener à comprendre que la relation que vous avez est équilibrée et respectueuse et donc c’est du donnant/donnant. Vos enfants font ce que vous leur demandez de faire (des demandes de cet ordre-là bien sûr) et de cette façon, vous ferez ce qu’ils vous demanderont.
Cette coopération suppose également que votre parole soit crédible : si vous faites des menaces en l’air ou du chantage, votre enfant ne croira pas ce que vous direz, donc quand vous lui demanderez fermement de faire quelque chose, ça lui passera au-dessus. Ne dites rien à votre enfant si ce n’est pas suivi d’effet !
J’espère que cet épisode vous aura convaincu ou conforté dans l’idée que votre enfant ne doit pas avoir peur de vous ! De cette façon, vos enfants auront une bonne confiance en eux et une bonne estime d’eux.
Cet épisode fait partie du parcours d’écoute « Être parent », tout comme les épisodes suivants :
Si vous fonctionnez avec la peur pour asseoir votre autorité sur vos enfants et que ça ne vous convient pas, je peux vous aider !