Episode 68 – Les enfants et les secrets

Les enfants et les secrets est un sujet sur lequel j’ai beaucoup réfléchi en tant que coach parental et je vous livre ici le fruit de ma réflexion. 

Dans la continuité de l’épisode précédent, dont le sujet était « faut-il tout dire à ses enfants ? », je souhaitais revenir sur un point important : les secrets

Dans l’épisode précédent, j’affirmais que oui, il fallait tout dire à ses enfants, ne pas leur cacher d’informations importantes sous peine d’entraver la confiance qu’ils ont en vous, de les laisser dans l’incompréhension, de leur permettre de ressentir et d’exprimer des émotions négatives plutôt que de les refouler et de créer des sujets tabous. 

Dans les épisodes consacrés au Père Noël, je vous expliquais qu’au contraire, nous pouvions cacher à nos enfants le fait que le Père Noël n’existe pas et que nous pouvions encourager nos grands, nos aînés à continuer le « mensonge » aux plus petits pour maintenir le mythe.

De plus, les enfants apprennent rapidement à l’école à dire des secrets. Ma fille, par exemple, me dit souvent des secrets. Je vois bien qu’elle n’a pas vraiment compris le truc parce que ce qu’elle me dit à l’oreille n’est pas vraiment secret ou elle veut me dire un secret alors que nous ne sommes que toutes les deux. Elle pourrait le dire à voix haute. Mais ce qu’elle recherche c’est dire un secret parce que ça doit l’amuser. Mon fils en revanche, qui est plus grand, a bien compris qu’on pouvait dire à l’oreille des surprises, des idées qu’il a, il n’est pas sûr que je vais dire oui peut-être, que je vais trouver que c’est une bonne idée, donc il me le dit à l’oreille. Et quand je dis oui, il est tout excité à l’idée de faire une surprise à sa sœur. 

Par contre, j’ai remarqué et j’ai expérimenté quand j’étais moi-même petite, que c’est désagréable pour les autres de ne pas savoir ce qui se dit dans le creux de l’oreille. Ceux qui ne sont pas dans la confidence ont envie de savoir et ça peut les vexer de se sentir à l’écart. 

Alors, peut-on dire des secrets ou non ? 

Je pense qu’il y a secret et secret. 

Il y a les secrets énormes, déterminants pour les personnes. Je pense aux secrets de famille. J’entends, je lis parfois des récits de personnes qui ont découvert telle ou telle chose sur leurs grands-parents. Des choses pas tout à fait recommandables comme mon grand-père était un éminent général nazi ou ma grand-mère est née d’un viol et a été abandonnée par sa mère à sa naissance. Bref, des faits qu’on aimerait qu’ils ne se soient pas passés. On aimerait ne pas être issu de cette lignée qui a fait ou subi des choses peu louables. Ça a d’ailleurs été caché, tu, pendant un certain temps. C’est-à-dire que certaines personnes étaient au courant, savaient, et ont décidé de nier la chose, de ne pas en parler, de faire comme si ça n’existait pas. Sauf que, vous me voyez venir, nous avons beau essayer de faire comme si, ce n’est pas possible ! Il y a toujours des relents d’émotions, de comportements qui sont la conséquence de ce lourd secret. Ces comportements et ces émotions sont inexpliqués. C’est comme s’il y avait une tare dans la famille, un truc qui cloche, une bizarrerie sans que l’on arrive à mettre le doigt dessus, sans que l’on comprenne pourquoi. Et ça reste comme ça, latent, pendant des années. 

Il est évidemment très difficile de se construire dans une telle ambiance. 

Une fois qu’ils sont découverts, ces secrets n’en sont plus et tout trouve une explication. C’est un vrai soulagement pour les personnes qui trouvent enfin une explication à ce qu’elles ont toujours vécu. C’est comme une libération pour elles. Il est plus facile pour elles d’apprendre à vivre en connaissance de cause que dans l’ignorance. Dans les récits dont j’ai eu connaissance et dont je vous parlais un peu plus tôt, ces personnes auraient préféré connaître leur secret familial bien plus tôt. Elles auraient préféré savoir, même si c’est douloureux, même si on n’est pas très fier de son grand-père nazi, même si on a de la peine pour notre grand-mère, même si. Il est toujours préférable de savoir ! 

D’autant que ça peut permettre une approche psychogénéalogique. La psychogénéalogie, rapidement, c’est une approche thérapeutique qui permet de traiter le ou la patient.e en cherchant dans sa généalogie, c’est-à-dire dans les générations précédentes un traumatisme, une culpabilité inconsciente qui rejaillirait sur le ou la patient.e. Connaître ses secrets de famille ou les chercher est donc fondamental pour cette thérapie.  À noter que lors d’une psychanalyse on peut également les découvrir.  

Donc pour ces secrets importants, il faut le dire, il faut en parler ! Il faut accepter aussi que nos ancêtres ne se soient pas conduits en accord avec nos valeurs, avec ce que nous pensons louable. Les actes des autres, même s’il s’agit de nos parents, nos grands-parents et au-dessus, ne sont pas les nôtres. Et ce n’est pas parce que nos ancêtres ont mal agi, ont pris de mauvaises décisions, que nous allons reproduire la chose. Il n’y a pas de tare transgénérationnelle. Rappelez-vous, nous avons le pouvoir de choisir notre vie, de choisir nos actes, de choisir nos pensées et ce n’est pas nos ancêtres ou qui que ce soit d’autre d’ailleurs, qui peuvent choisir pour nous ! 

Donc ces gros secrets de famille, il faut en parler pour que ce ne soit plus secret, plus tabou et soulager plusieurs générations futures en plus de vous soulager vous. Ça pourrait également renforcer les liens familiaux que de connaître les différentes histoires familiales

Je vous invite à réfléchir à ça, à si dans votre famille il y a des non-dits, des choses un peu bizarres qui se passent et creusez ! 

Les secrets non acceptables

Il y a d’autres secrets qui ne sont pas acceptables : ce sont les secrets que l’enfant doit garder pour cacher des choses à un adulte et d’autant plus à l’un de ses parents. Ça peut être un secret comme « tu ne dis pas à papa que tu as joué à tel jeu vidéo qui n’est pas de ton âge » ou « tu ne dis pas à maman qu’on a fait telle chose ». Bien sûr, si ce que vous avez fait, c’est manger une glace à 18h30 et que maman refuse d’habitude ce genre de comportement pour une meilleure hygiène alimentaire et un meilleur appétit au moment du repas, ça va. Je ne veux pas que vous tombiez dans la parano. Je pense que vous saurez très bien distinguer les bons secrets des mauvais secrets

Mais ça peut être aussi des adultes ou des enfants qui font des choses interdites et qui intiment à l’enfant de garder le secret. Je pense bien sûr aux agressions sexuelles dont je parle dans l’épisode 66. Si un adulte commet une agression sexuelle ou un viol auprès d’un enfant, il va demander à l’enfant de garder le secret, de ne pas le dire du tout et surtout pas à ses parents. C’est un secret qui fait mal, qui est douloureux pour l’enfant et il faudrait qu’il vous le dise. 

Il convient donc d’apprendre à nos enfants quels secrets sont bons et peuvent être gardés (je dis bien peuvent et non pas doivent être gardés) et quels secrets sont mauvais et ne doivent pas être gardés (et là, j’utilise bien le verbe devoir).  

Et pour finir par des choses plus légères, oui, il y a des secrets qu’on peut dire et garder. Ce sont les secrets gentils et bienveillants dont les jeunes enfants raffolent. Je classe le Père Noël et tous les mythes comme la petite souris ou les lapins de Pâques dedans. Je classe aussi dans cette catégorie de secrets acceptables les surprises, les blagues. Du moment qu’elles sont gentilles et bienveillantes. Il y a par exemple le cadeau d’anniversaire que l’on a choisi avec les enfants pour son coparent ou qui que se soit d’autre d’ailleurs. On garde le secret sur ce qu’on a acheté car ça fera plaisir à la personne qui va recevoir son cadeau de le découvrir au moment où on va lui offrir. Je pense aussi aux secrets du style « et si je préparais une super cabane pour jouer ensuite dedans avec ma petite sœur ? ». Ce sont des petits secrets qui jalonnent l’enfance. 

Voilà, ces genres de secrets sont des bons secrets, des secrets qui font plaisir, des surprises qui suscitent l’excitation. Et ce sont des secrets qui ne durent pas longtemps en général (sauf si on achète le cadeau d’anniversaire trois mois en avance…). 

Ça doit vraiment être le critère d’un secret qu’on peut faire et qu’on peut garder : il ne dure pas longtemps et il fait plaisir aussi bien à la personne qui a dit le secret, à celle qui le garde et à celle qui n’en a pas connaissance mais qui le découvre le moment venu. 

Je pense qu’il est très important que vous expliquiez ces différences de secrets à vos enfants. Les bons et les mauvais pour qu’ils puissent vous en parler s’ils ont besoin que vous les protégiez


Cet épisode s’inscrit dans le parcours d’écoute consacré aux situations quotidiennes, tout comme les épisodes suivants :


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